La Cour constitutionnelle,
Vu la Constitution, notamment en ses articles 195, 197, 198 et 225 ;
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439 correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail ;
En vertu de la délibération du 23 Rabie Ethani 1443 correspondant au 28 novembre 2021 relative aux règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière d’exception d’inconstitutionnalité portant application des Titres II et III du règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Sur arrêt de renvoi de la Cour suprême en date du 5 octobre 2021, sous le numéro de rôle 00024/21, enregistré au greffe du Conseil constitutionnel en date du 14 octobre 2021, sous le numéro 2021-20/EI, relatif à l’exception soulevée par Me. (B.M), avocat agréé près la Cour suprême, au profit de la nommée (C.S), prétendant l’inconstitutionnalité de l’article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail ;
Après avoir pris connaissance des notifications adressées au Président de la République, au Président du Conseil de la Nation, au Président de l’Assemblée Populaire Nationale, au Premier ministre et au procureur général près la Cour suprême en date du 20 octobre 2021, et aux parties au procès en date du 21 octobre 2021 ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par le Président du Conseil de la Nation, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale, le Premier ministre et le procureur général près la Cour suprême ;
Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par Me. (B.M), avocat agréé près la Cour suprême, au profit de la nommée (C.S), par lesquelles elle sollicite de déclarer l’inconstitutionnalité de l’article 73-4 de la loi relative aux relations de travail en ses dispositions concernant les jugements rendus en premier et dernier ressort en matière de demandes portant sur l’annulation de la décision de licenciement et de réintégration, au motif que cet article est en contradiction avec les articles 37 et 165 de la Constitution et aussi avec l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, modifié par l’Algérie par le décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 ; Après avoir entendu les deux membres rapporteurs MM. Djilali Miloudi et Abbas Ammar, lors de l’audience publique tenue le 26 janvier 2022 ;
Après avoir entendu les observations orales de Me. (B. M), au profit de la nommée (C.S), confirmant les observations écrites, sollicitant de déclarer l’inconstitutionnalité de l’article 73-4 de la loi relative aux relations de travail susvisé, en ses dispositions concernant les jugements rendus en premier et dernier ressort en matière de demandes portant sur l’annulation de la décision de licenciement et de réintégration, au motif que cet article est en contradiction avec les dispositions des articles 37 et 165 de la Constitution et aussi avec l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie par le décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 ;
Après avoir entendu les observations orales du représentant du Gouvernement, qui a maintenu les observations écrites formulées, en vue de déclarer la constitutionnalité de l’article 73-4 de la loi relative aux relations de travail précitée ;
Après délibération ;
Des procédures :
Attendu que la nommée (C.S), a soulevé, par le biais de son avocat, Me. (B. M) l’inconstitutionnalité de l’article 73-4 de la loi relative aux relations de travail qui stipule que :
« Si le licenciement d’un travailleur survient en violation des procédures légales et/ou conventionnelles obligatoires, le tribunal saisi, qui statue en premier et dernier ressort, annule la décision de licenciement pour non-respect des procédures, impose à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorde au travailleur, à la charge de l’employeur, une compensation pécuniaire qui ne saurait être inférieure au salaire perçu par le travailleur comme s’il avait continué à travailler. Si le licenciement d’un travailleur survient en violation des dispositions de l’article 73 ci-dessus, il est présumé abusif.
Le tribunal saisi, statue en premier et en dernier ressort, et se prononce, soit sur la réintégration du travailleur dans l’entreprise avec maintien de ses avantages acquis soit, en cas de refus par l’une ou l’autre des parties, sur l’octroi au travailleur d’une compensation pécuniaire qui ne peut être inférieure à six (6) mois de salaire, sans préjudice des dommages et intérêts éventuels.
Le jugement rendu en la matière est susceptible de pourvoi en cassation ».
Attendu que la nommée (C.S), par le biais de son avocat Me. (B. M), a engagé une action devant le tribunal de Batna, section sociale, contre le prévenu, la société des études et de réalisation d’ouvrages de l’Est (SERO EST), représentée par son directeur général, expliquant qu’elle travaillait pour elle, sans jouir d’un contrat de travail et de ses droits malgré sa protestation, sollicitant la qualification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée avec sa réintégration dans son poste. Au cours du procès, elle a présenté un mémoire d’inconstitutionnalité de l’article 73-4 précité, pour sa violation des articles 37 et 165 de la Constitution et de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie. Elle considère que l’article 73-4 la prive de son droit d’interjeter appel. Ce qui constitue pour elle une discrimination entre justiciables et une violation du principe de l’égalité devant la justice et la loi et du principe du double degré de juridiction ;
Attendu qu’en date du 5 octobre 2021, la Cour suprême a statué et décidé du renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée par la nommée (C.S) au Conseil constitutionnel ;
Attendu que le Conseil constitutionnel a réceptionné l’arrêt de la Cour suprême, en date du 14 octobre 2021, sous le numéro de rôle 00024/21, enregistré au greffe du Conseil constitutionnel en date du 14 octobre 2021, sous le numéro 2021-20/EI ;
Attendu que par lettre du 20 octobre 2021, le Président du Conseil constitutionnel, a notifié l’arrêt de renvoi susmentionné, au Président de la République, au Président du Conseil de la Nation, au Président de l’Assemblée Populaire Nationale et au Premier ministre, comme il l’a notifié le 21 octobre 2021 aux parties au procès initial, fixant la date du 7 novembre 2021 comme date limite pour le dépôt de leurs observations écrites ;
Attendu que le Président du Conseil de la Nation a indiqué, dans ses observations écrites que l’article 73-4 précité, peut paraître contraire aux dispositions des articles 37 et 165 de la Constitution ;
Attendu que le procureur général près la Cour suprême a affirmé dans ses observations écrites que l’article 73-4 susvisé est contraire à l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution ;
Attendu que le Président de l’Assemblée Populaire Nationale, dans ses observations écrites, a souligné que l’article 73-4 ne viole aucun des droits garantis par la Constitution, rendant le recours de la demanderesse infondé et la disposition législative contestée conforme à la Constitution ;
Attendu que le Premier ministre, dans ses observations écrites, a affirmé que le recours alléguant la violation par l’article 73-4 susmentionné du principe d’égalité devant la loi n’est pas fondé, et que cet article ne porte aucunement atteinte au principe d’égalité devant la loi et au droit au double degré de juridiction, consacrés par les articles 37 et 165 (alinéa in fine) de la Constitution ;
Au fond :
Attendu qu’en vertu de la délibération du 23 Rabie Ethani 1443 correspondant au 28 novembre 2021 relative aux règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière d’exception d’inconstitutionnalité portant application des Titres II et III du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, qui stipule dans son article 29 bis que : « Lorsque le Conseil constitutionnel enregistre, avant de se prononcer sur l’exception d’inconstitutionnalité de la disposition législative, plus d’une décision de renvoi portant sur la même disposition législative, il se prononce au fond sur la première exception qui lui est soumise pour examen. Il se prononce sur les exceptions suivantes soulevées au sujet de la même disposition législative, par des décisions portant exceptions précédemment jugées ».
Attendu que la Cour constitutionnelle s’est déjà prononcée sur la constitutionnalité de l’article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail, par la décision n° 01/D.CC/EI/22 du 23 Joumada Ethania 1443 correspondant au 26 janvier 2022, et par conséquent il y a lieu de déclarer que l’objet du recours a été précédemment jugé.
Par ces motifs :
La Cour constitutionnelle décide :
Premièrement : déclare que la constitutionnalité de l’article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail, a été précédemment prononcée en vertu de la décision n° 01/D.CC/EI/22 du 23 Joumada Ethania 1443 correspondant au 26 janvier 2022.
Deuxièmement : le Président de la République, le Président du Conseil de la Nation, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.
Troisièmement : la présente décision est notifiée au premier président de la Cour suprême.
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle en ses séances des 7, 21 et 23 Joumada Ethania 1443 correspondant aux 10, 24 et 26 janvier 2022.
Le Président de la Cour constitutionnelle
Omar BELHADJ
Leïla ASLAOUI, membre ;
Mosbah MENAS, membre ;
Djilali MILOUDI, membre ;
Ameldine BOULANOUAR, membre ;
Fatiha BENABBOU, membre ;
Abdelouahab KHERIEF, membre ;
Abbas AMMAR, membre ;
Abdelhafid OSSOUKINE, membre ;
Mohamed BOUTERFAS, membre.