La Cour constitutionnelle,
Sur arrêt de renvoi rendu par la Cour suprême en date du 17 février 2022 sous le numéro de rôle 00007/22, enregistré au greffe de la Cour constitutionnelle le 17 février 2022, sous le numéro de rôle 2022-05/ D.EI relatif à l’exception invoquée par Me (K.R), avocate agréée près la Cour suprême et le Conseil d’Etat, au profit de la société chinoise à responsabilité limitée CHINA ELEVENTH CHEMICAL CONSTRUCTION COMPANY LIMITED ELECO, représentée par son directeur (W. F), par laquelle elle soulève l’inconstitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail ;
Vu la Constitution, notamment en ses articles 165 (alinéa in fine), 195, 198 (alinéas 4 et 5) et 225 ;
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adoptés en vertu de la résolution de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies du 16 décembre 1966, auquel il a été adhéré en vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 ;
Vu la loi organique n° 18-16 du 22 Dhou El Hidja 1439 correspondant au 2 septembre 2018 fixant les conditions et les modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité ;
Vu la loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail ; Vu la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail ;
En vertu de la délibération du 23 Rabie Ethani 1443 correspondant au 28 novembre 2021 relative aux règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière d’exception d’inconstitutionnalité portant application des Titres II et III du règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;
Vu la décision de la Cour constitutionnelle n° 01/D.CC/E.I/22 du 23 Joumada Ethania 1443 correspondant au 26 janvier 2022 portant constitutionnalité de l’article 73-4 de la loi n° 90-11 du 21 avril 1990, modifiée et complétée, relative aux relations de travail ;
Vu les précédentes notifications transmises au Président de la République, au président du Conseil de la Nation, au président de l’Assemblée Populaire Nationale, au premier ministre et au procureur général près la Cour suprême relatives à l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail ;
Après avoir pris connaissance des précédentes observations écrites sur la même disposition législative, à savoir l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 susvisée, présentées par le président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée Populaire Nationale, le Premier ministre et le procureur général près la Cour suprême ;
Après avoir entendu le membre rapporteur, M. Ammar BOUDIAF, dans la lecture de son rapport écrit en audience publique tenue le 23 mars 2022 ;
Après avoir entendu les observations orales en audience publique tenue le 23 mars 2022 ;
Après délibération ;
Des procédures :
Attendu que la SARL chinoise CHINA ELEVENTH CHEMICAL CONSTRUCTION COMPANY LIMITED ELECO, a soulevé par le biais de Me (R. K), avocate agréée près la Cour suprême et le Conseil d’Etat, l’inconstitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail qui prévoit que :
« Le tribunal siégeant en matière sociale statue en premier et dernier ressort, sauf du chef de la compétence, lorsque la demande porte au principal sur :
— l’annulation des sanctions disciplinaires décidées par l’employeur à l’encontre du demandeur, sans qu’il ait été fait application des procédures disciplinaires légales et/ou conventionnelles obligatoires ;
— la délivrance de certificats de travail, de bulletins de paie ou d’autres documents, légalement prévus, pour attester de l’activité professionnelle du demandeur ».
Attendu que le tribunal de Kaïs wilaya de Khenchela, section sociale, en statuant sur le litige entre la SARL chinoise ELECO, représentée par son directeur le dénommé (M. Dj .B), qui était employé par ladite société, a condamné la défenderesse (la société chinoise à responsabilité limitée Sarl) à délivrer au demandeur (M. Dj) un certificat de travail et les bulletins de paie pour la période du 25 juillet 2017 au 30 septembre 2020 et de lui verser la somme de cinquante mille (50.000,00 DA) pour le préjudice causé ;
Attendu que sur le recours en appel introduit par la société chinoise devant la Cour de Khenchela enregistré sous le n° 00696/21, son avocate Me (K. R) a déposé le 12 septembre 2021, un mémoire écrit et distinct sollicitant de surseoir à statuer sur le litige et de renvoyer l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail à la Cour suprême, en soulevant l’inconstitutionnalité de l’article susvisé, au regard de l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution ; Attendu que la Cour de Khenchela, chambre sociale, a rendu en date du 14 décembre 2021 dans l’affaire enregistrée sous le numéro 00696 rôle 00810, une décision de recevabilité du renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée sur l’article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 susvisée, et avant dire droit, elle s’est prononcé sur la transmission de l’exception d’inconstitutionnalité à la Cour suprême et de surseoir à statuer jusqu’à réception de la décision de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle ;
Attendu qu’en date du 7 février 2022, la Cour suprême a statué, par sa décision sous le numéro de rôle 00007/22, sur le renvoi de l’exception soulevée par Me (R .K), avocate agréée près la Cour suprême et le Conseil d’Etat au profit de la société chinoise à la Cour constitutionnelle ;
Attendu que la Cour constitutionnelle est rendue destinataire de la décision de renvoi rendue par la Cour suprême, en date du 7 février 2022, sous le numéro de rôle 00007/22, enregistrée au greffe de la Cour constitutionnelle en date du 17 février 2022 sous le numéro 05-2022/D.EI.
Attendu que le Président de République, le président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le premier ministre ont déjà été notifiés par le président de la Cour constitutionnelle en date du 13 janvier 2022 à propos de l’exception soulevée au sujet du même article 21 de la loi n° 90-04 du 6 février 1990 susvisée ;
Attendu que le président du Conseil de la Nation a souligné, dans une affaire précédente et similaire à la présente affaire, dans ses observations écrites, que l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 21 de la loi 90-04 du 21 avril 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail est dénuée de tout fondement, ce qu’il convient de la déclarer non-recevable pour non fondement ;
Attendu que le président de l’Assemblée Populaire Nationale a, lors de l’examen d’une précédente affaire concernant une similaire exception d’inconstitutionnalité, souligné dans ses observations écrites que l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 21 de loi n° 90-04 du 6 février 1990 relative au règlement des conflits de travail, est dénuée de tout fondement et ne viole aucun des droits garantis par la Constitution d’où la nécessité de déclarer son rejet au motif quelle est infondée ;
Attendu que le Premier ministre a, dans une affaire précédente et similaire à la présente affaire, insisté sur la constitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 relative au règlement des conflits individuels de travail, et que l’exception de son inconstitutionnalité est infondée, puisque le constituant n’a pas reconnu le droit au double degré de juridiction de manière absolue, bien plus, il a renvoyé à la loi pour préciser les conditions et les modalités de son application, d’où la déduction de présence de restrictions à ce droit qui constitue une dérogation au principe, tel est le cas de la présente exception. Par conséquent, l’examen de l’inconstitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 susvisée, doit prendre en considération le caractère particulier de la loi dont elle découle ce qui confirme la constitutionnalité de cette disposition législative ;
Attendu que le procureur général près la Cour suprême à, dans une affaire précédente et similaire à la présente affaire, confirmé dans ses observations écrites que les jugements du tribunal de première instance en matière de conflits de travail sont rendus en premier et dernier ressort, tandis que l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution consacre le droit au double degré de juridiction. Ainsi, le législateur aurait introduit une discrimination entre les justiciables dans l’exercice du droit au double degré de juridiction. En effet, conformément au principe d’égalité devant la loi et la justice garanti par la Constitution à tous les citoyens par ses articles 37 et 165 (alinéa in fine), il apparait injuste et inéquitable que le législateur restreigne le droit des parties et les prive du recours en appel contre les jugements rendus en matière de conflits de travail. De ce fait, le procureur général près la Cour suprême estime que l’article 21 de la loi n° 90-04 susvisée, est contraire aux dispositions de l’article 165 (alinéa in fine) de la Constitution ;
Au fond :
Attendu qu’en vertu de la délibération du 23 Rabie Ethani 1443 correspondant au 28 novembre 2021 relative aux règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière d’exception d’inconstitutionnalité et portant application des Titres II et III du règlement fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, dont l’article 29 bis dispose explicitement que : « Lorsque le Conseil constitutionnel enregistre, avant de se prononcer sur l’exception d’inconstitutionnalité de la disposition législative, plus d’une décision de renvoi portant sur la même disposition législative, il se prononce au fond sur la première exception qui lui est soumise pour examen. Il se prononce sur les exceptions suivantes soulevées au sujet de la même disposition législative, par des décisions portant exceptions précédemment jugées » ;
Attendu que la Cour constitutionnelle a déjà déclaré constitutionnel l’article 21 de la loi n° 90-04 du 10 Rajab 1410 correspondant au 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail, en vertu de la décision n° 24/ D. CC/ EI/22 du 20 Chaâbane 1443 correspondant au 23 mars 2022, par conséquent, il convient de déclarer l’exception comme étant précédemment jugée.
Par conséquent, la Cour constitutionnelle décide de ce qui suit :
Premièrement : déclare la constitutionnalité de l’article 21 de la loi n° 90-04 du 10 Rajab 1410 correspondant au 6 février 1990 relative au règlement des conflits individuels de travail, comme étant précédemment jugée en vertu de la décision n° 24/D.CC/EI/22 du 20 Chaâbane 1443 correspondant au 23 mars 2022.
Deuxièmement : le Président de la République, le président du Conseil de la Nation, le président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre sont informés de la présente décision.
Troisièmement : la présente décision sera notifiée au premier président de la Cour suprême.
Quatrièmement : la présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Ainsi en-a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle en ses séances des 19 et 20 Chaâbane 1443 correspondant aux 22 et 23 mars 2022.
Le président de la Cour constitutionnelle
Omar BELHADJ
Leïla ASLAOUI, membre ;
Bahri SAADALLAH, membre ;
Mosbah MENAS, membre ;
Djilali MILOUDI, membre ;
Ameldine BOULANOUAR, membre ;
Fatiha BENABBOU, membre ;
Abdelouahab KHERIEF, membre ;
Abbas AMMAR, membre ;
Abdelhafid OSSOUKINE, membre ;
Ammar BOUDIAF, membre ;
Mohamed BOUTERFAS, membre.