Cour Constitutionnelle

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Le portail de l’exception d’inconstitutionnalité

Décision n° 31/ D.C.C/E. I/22 du Aouel Rabie Ethani 1444 correspondant au 26 octobre 2022 relative à l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011 relative à la commune.

La Cour constitutionnelle,

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n° 22-19 du 26 Dhou El Hidja 1443 correspondant au 25 juillet 2022 fixant les procédures et modalités de saisine et de renvoi devant la Cour constitutionnelle ;

Vu la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune ;

En vertu de la délibération du 23 Rabie Ethani 1443 correspondant au 28 novembre 2021 relative aux règles de fonctionnement de la Cour constitutionnelle en matière d’exception d’inconstitutionnalité portant application des Titres II et III du règlement du 7 Ramadhan 1440 correspondant au 12 mai 2019, modifié et complété, fixant les règles de fonctionnement du Conseil constitutionnel ;

Vu l’arrêt de renvoi rendu par le Conseil d’Etat, troisième chambre, sous le numéro de rôle 00001/22 en date du 15 juin 2022, et enregistré au greffe de la Cour constitutionnelle le 24 juillet 2022 sous le numéro 07/2022 portant exception d’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune, étant en contradiction avec l’article 41 de la Constitution, soulevée par M. (A.S) par le biais de son avocat maître (B.Z), avocat agréé près la Cour suprême et le Conseil d’Etat dans laquelle il soulève l’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011 susvisée, au motif qu’il est en violation avec la présomption d’innocence garantie par l’article 41 de la Constitution ;

Vu les notifications transmises au Président de la République, au Président du Conseil de la Nation, au Président de l’Assemblée Populaire Nationale, au Premier ministre et aux parties, en date du 26 juillet 2022 ;

Après avoir pris connaissance des observations écrites présentées par les autorités et les parties au sujet de la disposition législative en l’occurrence l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011 susvisée, pour inconstitutionnalité au motif qu’il est en contradiction avec la présomption d’innocence consacrée par l’article 41 de la Constitution ;

Après avoir entendu le membre rapporteur dans la lecture de son rapport écrit en audience publique, tenue le 26 octobre 2022 ; Après avoir entendu les observations orales du demandeur dans l’exception (A.S) en audience publique, tenue le 26 octobre 2022, dans lesquelles il a soutenu le contenu de ses observations écrites, en réaffirmant en particulier l’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune, au motif qu’il est en contradiction avec l’article 41 de la Constitution ;

Après avoir entendu les observations orales du représentant du Gouvernement en audience publique, tenue le 26 octobre 2022, dans lesquelles il a souligné que la disposition législative contenue dans l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune, ne porte aucune atteinte à la présomption d’innocence prévue par l’article 41 de la Constitution ;

Après délibération ;

Des procédures :

Attendu que le demandeur dans l’exception (A.S) en sa qualité de président de l’Assemblée populaire communale de la commune de Afir (wilaya de Boumerdes) a délivré une autorisation d’exploitation d’une cantine scolaire située dans le territoire de ladite commune à M. (T.F) pour célébrer le mariage de son frère dans l’enceinte de l’école primaire  » Mohand Ouachour « , et ce, en vertu d’une décision rendue par la commune sous le numéro 1922-2019 en date du 13 août 2019 portant mobilisation du chef cuisinier et du gardien de l’école, et que ladite autorisation a été rendue en période des vacances scolaires ;

Attendu que la directrice de l’école  » Mohand Ouachour  » a présenté un rapport, à ce sujet, adressé au directeur de l’éducation de la wilaya de Boumerdes suivi par le dépôt d’une plainte par ce dernier devant la juridiction compétente, qui a abouti à la condamnation du demandeur dans l’exception, en sa qualité de président de l’Assemblée populaire communale de la commune de Afir (Wilaya de Boumerdes) par le tribunal de Boumerdes, section pénale, pour abus de fonctions ;

Attendu que le jugement pénal une fois rendu par défaut prononçant la condamnation à l’emprisonnement de deux ans ferme et à une amende de 100.000 DA, le wali de la wilaya de Boumerdes a rendu un arrêt sous le n° 2309 en date du 15 janvier 2020 portant suspension du condamné en sa qualité de président de l’Assemblée populaire communale de la commune de Afir (wilaya de Boumerdes) ;

Attendu que la décision de suspension émanant du wali de la wilaya de Boumerdes s’est appuyée, principalement, sur les dispositions de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune ;

Attendu qu’en date du 10 février 2020, le demandeur dans l’exception (A.S) a engagé une action en annulation devant le tribunal administratif de Boumerdes par le biais de maître (M.T) avocat agréé près la Cour de Boumerdes ;

Attendu qu’en date du premier avril 2020, le demandeur dans l’exception a déposé un mémoire distinct devant le tribunal administratif de la wilaya de Boumerdes par son représentant maître (B.Z), avocat agréé près la Cour suprême et le Conseil d’Etat, dans lequel il a soulevé l’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune, au motif qu’il est en contradiction avec l’article 41 de la Constitution ;

Attendu qu’en date du 24 mai 2021, le tribunal administratif de la wilaya de Boumerdes a rendu un arrêt ordonnant de surseoir à statuer sur l’affaire pendante devant lui jusqu’à ce qu’il soit statué sur le dossier de l’exception et de renvoyer le dossier au Conseil d’Etat pour prendre les mesures nécessaires ;

Attendu qu’en date du 15 juin 2022, le Conseil d’Etat, troisième chambre, a rendu un arrêt répertorié sous le n° 00001/22 prononçant la recevabilité, de l’exception en la forme et ordonnant au fond, le renvoi de l’exception d’inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle ;

Attendu que la Cour constitutionnelle a été rendue destinataire de l’arrêt de renvoi rendu par le Conseil d’Etat, troisième chambre, susmentionné et l’a enregistré au greffe de la Cour constitutionnelle en date du 24 juillet 2022 sous le n° 07/2022 ;

Attendu que le Président de la Cour constitutionnelle a notifié les autorités légalement concernées et les parties et a fixé la date du 14 août 2022 comme dernier délai pour présenter leurs observations écrites ;

Attendu que le Président du Conseil de la Nation a souligné dans ses observations écrites que la suspension vise le gel du mandat de l’élu au sein de l’Assemblée populaire communale de façon provisoire, que sa suspension est motivée par un seul cas légal cité à l’article 43 de la loi relative à la commune, à savoir la poursuite judiciaire qui l’empêche de poursuivre l’exercice de son mandat électif. Par ailleurs, la suspension n’est pas une exclusion mais plutôt une mesure conservatoire et temporaire. Par conséquent, les dispositions de l’article 43 de la loi relative à la commune ne portent aucune atteinte à la présomption d’innocence, objet de l’article 41 de la Constitution, dès lors, l’exception est infondée ;

Attendu que le Président de l’Assemblée Populaire Nationale a souligné dans ses observations écrites que l’article 43 de la loi relative à la commune ne porte aucune atteinte aux droits garantis par la Constitution, qu’il n’est pas en contradiction avec les dispositions de l’article 41 de la Constitution qui a instauré la présomption d’innocence, que la suspension provisoire n’est pas une sanction mais juste une simple procédure ou mesure conservatoire qui vise l’éloignement de l’élu faisant l’objet de poursuite judiciaire, jusqu’à intervention de la décision définitive de la juridiction compétente, et afin de statuer sur l’affaire pénale sans aucune influence sur la juridiction de la part de celui qui représente l’administration. Par conséquent, l’exception d’inconstitutionnalité dudit article est dénuée de tout fondement ;

Attendu que le Premier ministre a affirmé dans ses observations écrites, que le contenu de l’article 43 de la loi relative à la commune, objet de l’exception d’inconstitutionnalité, porte sur une mesure conservatoire prise par le wali contre l’élu communal et étant une procédure conservatoire et temporaire, elle ne peut être considérée comme sanction ou peine, d’autant plus que ledit texte a clairement cité tous les motifs exigeant la suspension à titre conservatoire. Le Premier ministre a aussi souligné que cette procédure conservatoire a pour but de préserver la confiance entre électeurs et membres de l’Assemblée populaire communale lors de leur élection, et a conclu que l’article 43 de la loi relative à la commune ne porte aucunement atteinte à la présomption d’innocence préservée par la Constitution en vertu de l’article 41, dès lors, la présente exception est infondée ;

Attendu que le demandeur dans l’exception a soutenu dans ses observations écrites l’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi relative à la commune au motif qu’il constitue une violation de la présomption d’innocence consacrée par l’article 41 de la Constitution.

Au fond :

Attendu que le demandeur dans l’exception (A.S) a, en appui à l’exception d’inconstitutionnalité de l’article 43 de la loi relative à la commune, déposé un mémoire distinct, au greffe de la Cour constitutionnelle en date du 14 août 2022, dans lequel il réitère que l’article 41 de la Constitution prévoit que « toute personne est présumée innocente jusqu’à l’établissement de sa culpabilité par une juridiction dans le cadre d’un procès équitable », ce qui est en contradiction avec ce qui est prévu par l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune sur lequel est basée la décision de suspension ;

Attendu que l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, suscitée, prévoit que « l’élu faisant l’objet de poursuites judiciaires pour crime ou délit en rapport avec les deniers publics ou pour atteinte à l’honneur ou ayant fait l’objet de mesures judiciaires ne lui permettant pas de poursuivre valablement l’exercice de son mandat électif, est suspendu par arrêté du wali, jusqu’à intervention de la décision définitive de la juridiction compétente ;

En cas de jugement définitif l’innocentant, l’élu reprend, automatiquement et immédiatement, l’exercice de son activité électorale » ;

Attendu que l’ensemble des réponses présentées par les autorités publiques (Président du Conseil de la Nation, Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre) s’articule sur le fait que la décision de suspension n’est qu’une simple mesure administrative et ne peut en aucun cas être une sanction qui serait incompatible avec la présomption d’innocence, par conséquent, l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, susvisée, est constitutionnel ;

Attendu que si le Parlement est compétent pour légiférer dans les domaines que lui attribue la Constitution, notamment ceux définis par l’article 139 de la Constitution, il revient à la Cour constitutionnelle, seule, d’évaluer la constitutionnalité de la disposition législative après avoir été saisie officiellement par les instances constitutionnellement habilitées ;

Attendu que l’objet de l’exception porte sur une disposition législative prévue par la loi relative à la commune qui permet au wali, en tant que représentant de l’Etat, de suspendre l’élu communal lorsqu’il fait l’objet de poursuites judiciaires, en attendant que la juridiction compétente statue sur l’infraction pour laquelle il est poursuivi en vertu d’une décision définitive ;

Attendu que la présomption d’innocence prévue par l’article 41 de la Constitution est consacrée dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948 en vertu de son article 11-1, qui a été ratifiée par l’Algérie en vertu de l’article 11 de la Constitution de 1963, et consacrée aussi par le Pacte international des droits civils et politiques de 1966 en vertu de l’article 14-2, qui a été adopté par l’Algérie en vertu du décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 ;

Attendu que la Cour constitutionnelle considère, sans aucun doute, que la suspension provisoire ou préventive de l’élu communal objet de l’article 43 de la loi relative à la commune, n’est en aucun cas une sanction ni une peine pour que le demandeur de l’exception soulève sa contradiction avec l’article 41 de la Constitution, qu’il s’agit plutôt d’une simple mesure administrative provisoire qu’exige le bon fonctionnement du travail administratif, étant donné qu’on ne peut procéder aux poursuites judiciaires du président d’une Assemblée populaire communale sans le suspendre et en lui gardant sa qualité lui permettant d’exercer son mandat en tant que représentant de l’Etat, ou de la commune ou d’une instance exécutive de l’Assemblée populaire communale ;

Par conséquent, l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune, n’est pas en contradiction avec les dispositions de l’article 41 de la Constitution, dès lors, il convient de le déclarer constitutionnel.

Par ces motifs

Décide :

Premièrement : déclare constitutionnel l’article 43 de la loi n° 11-10 du 20 Rajab 1432 correspondant au 22 juin 2011, modifiée et complétée, relative à la commune.

Deuxièmement : le Président de la République, le Président du Conseil de la Nation, le Président de l’Assemblée Populaire Nationale et le Premier ministre, sont informés de la présente décision.

Troisièmement : la présente décision sera notifiée au Président du Conseil d’Etat.

Quatrièmement : la présente décision sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.

Ainsi en a-t-il été délibéré par la Cour constitutionnelle en ses séances des 23 et 29 Rabie El Aouel et 1er Rabie Ethani 1444 correspondant aux 18, 25 et 26 octobre 2022.

Le Président de la Cour constitutionnelle

Omar BELHADJ.

— Leïla ASLAOUI, membre ;

— Bahri SAADALLAH, membre ;

— Mosbah MENAS, membre ;

— Djilali MILOUDI, membre ;

— Fatiha BENABBOU, membre ;

— Abdelouahab KHERIEF, membre ;

— Abbas AMMAR, membre ;

— Abdelhafid OSSOUKINE, membre ;

— Amar BOUDIAF, membre ;

— Mohamed BOUTERFAS, membre.

Disposition législative ou réglementaire contestée :


Date de décision : 26/10/2022

Origine de renvoi : Conseil d'état

Dispositif de décision : Constitutionnelle

Nature de la disposition contestée : Disposition législative

Publication au JO